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Capture d e cran 2016 09 04 a 18 08 29A cause d'une rose cueillie par son père, la Belle, une gracieuse et modeste jeune fille, se livre à la Bête, se laissant enfermer dans le château de la créature monstrueuse… Dans cette adaptation de La Belle et la Bête, de Madame Leprince de Beaumont, il suffit aux deux comédiens d'un paravent et d'une malle pour mettre en scène le conte. Mélange de jeu marionnettique et masqué, de théâtre d'ombres et d'objets, sur fond de musique baroque, cette version recrée avec simplicité la spontanéité des jeux d'enfants et la délicatesse du récit : s'amuser avec les peurs et aller au-delà des apparences, de la beauté ou de la laideur pour faire renaître notre part d'humain. Une jolie proposition.

Françoise Sabatier-Morel

août 2016

"Une onde de bonheur, de raffinement et d'émerveillement"

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Prendre son enfant par la main pour l’emmener se balader comme un p’tit Parisien, c’est trop bien ! Prendre son enfant par la main pour l’emmener voir un conte, c’est vraiment trop bien ! Un p’tit tour rue Soufflot, en face le jardin du Luxembourg, à gauche le boulevard Saint-Michel. Arrêt sur trottoir au n°95 dudit boulevard ! La Comédie Saint-Michel ! Un théâtre charmant avec une programmation particulièrement soignée pour les enfants ! Les grands ne sont pas en reste non plus !
 Qui n’a jamais lu ou entendu l’histoire de La Belle qui s’éprend d’amitié pour La Bête à cause d’une rose cueillie par un père pour sa fille chérie. L’histoire devient épineuse à l’apparition de la créature à la face hideuse, laquelle voit sa sensibilité fondre à la vue de la jolie jeune fille et s’épanche en sentiments d’amour. La Belle étourdie refuse la demande en mariage, mais promet amitié liée à la Bête. Contrainte d’aller rendre visite à son père souffrant, la Belle tient promesse de revenir voir la Bête dans huit jours. Mais ses sœurs masquent leur souffrance d’hypocrisie de voir la cadette repartir. Une fois le délai expiré, la Belle fait un rêve et entrevoit la Bête mourir de chagrin. S’emparant de la bague magique offerte par la Créature, la Belle la rejoint en son domaine et décide de lui donner sa main. La magie du conte opère, la Bête disparait comme par enchantement  et à la place, un prince majestueux tient lieu.
Sur scène, sont installés deux paravents à double vantaux décorés façon toile de Jouy et un coffre en bois. Le spectacle évoluant, nombre d’accessoires extraits du coffre étaieront les situations des différents personnages mis en présence. Akiko Veaux et Miguel Henry ont insufflé à l’adaptation du conte les essences de la subtilité parfumées des insouciances de l’enfance. Un raffinement qui s’apprécie telle une récréation où les marionnettes, les ombres chinoises, les masques rendent écho à la narration, à la musique et aux chants du XVIIIème siècle. Le décor s’articule comme un livre pour enfant dont les pages tournent et révèlent des images merveilleuses où les héros tendent la main au lecteur pour les rejoindre en leur histoire. Les sensations sont de tous les instants, les émotions figent les attentions des petits et des parents, les yeux brillent de bonheur. La Belle et La Bête ainsi proposés livre la douceur des histoires racontées aux enfants à l’heure du coucher. Akiko Veaux interprète « une jolie Belle » souriante, agréable, sincère et heureuse d’être. Son jeu se déroule avec simplicité et fluidité, la grâce souligne l’élégance de la comédienne. Miguel Henry, une Bête adorablement gentille et généreuse de cœur et d’esprit, se montre charmant et charmeur dans la figuration des marionnettes et grandiose dans l’interprétation de la Bête. Divin est-il au luth qui libère une musique d’antan d’où s’échappent des notes légères et tendres comme l’innocence enfantine. Akiko Veaux et Miguel Henry, un duo d’artistes inspiré qui prend plaisir à jouer pour les enfants... et les grands savourent également l’histoire de La Belle et La Bête.

Philippe Delhumeau

http://www.lagrandeparade.fr/index.php/l-entree-des-artistes/marionnettes/1122-la-belle-et-la-bete-une-onde-de-bonheur-de-raffinement-et-d-emerveillement

novembre 2016

lagrandeparade.fr

[L’entretien des Muses] avec l’ensemble « L’Aune »

Miguel Henry - gbLe temps n’est pas serein au seuil de ce 17ème siècle naissant, guerres de religion, frondes… mais c’est aussi le temps des « Danseries » qui fleurissent depuis la Renaissance. Branles, pavanes, gaillardes, allemandes, courantes… autant de danses dont s’emparera bientôt la musique baroque pour les transformer en pièces purement instrumentales. C’est enfin le temps béni des cornemuses, des vielles à roues, et autres percussions prêtes à servir les mélodies d’entrainantes musiques populaires… Le Directeur musical Miguel Henry revient sur la nature du concert que son ensemble « L’Aune » et lui offriront au public le dimanche 12 mai à 16h30 en l’Église Saint-Wasnon de Condé-sur-l’Escaut.

 

« Pulsations & Danseries » : voilà un titre de programme pour le moins original voire un tantinet énigmatique ! On serait en droit de se demander s’il n’est pas à l’origine du thème « Exploration(s) » du Festival 2019 ! En tout cas, cher Miguel, il appelle quelques explications …

Eh bien, Michel, vous savez, Sylvain et moi-même avons une longue pratique commune de musiques à danser des 16ème et début 17ème siècle. Cette connivence a nourri le désir de ce programme original par sa formation instrumentale : deux percussions, une cornemuse, une vielle à roue, auxquelles se joignent une flûte traversière, un luth et une guitare.

La première envie était d’accorder une place importante aux percussions, mais non pas pour l'enfermer dans un champ expressif restreint. La cornemuse, la vielle, et même la guitare, conduisent vers ce qu'il y a de plus tonique. Le luth, la flûte traversière et même le chant qui intervient parfois, sont également associés aux percussions dans une optique plus sinueuse que les excellents percussionnistes Bruno Caillat et Sylvain Fabre savent offrir.

Comme je l'exprimais dans mon texte de présentation, la pulsation c'est celle de la marche, de la chevauchée, de la machine, mais aussi celle du cœur ! L'exploration est donc celle des percussions par ce rapport intime et riche qu'elles ont avec les pulsations. Et bien sûr, le terme « danseries » est là comme la source d'où part l'exploration, puisque c'est en elles que les percussions s'épanouissent à cette époque.

Puisqu’il est question en quelque sorte de « mesure », l’Aune, le nom de votre ensemble, se réfèrerait-il alors à l’ancienne mesure ? Et si tel était le cas, comment s’inscrit-elle dans vos univers musicaux ?

En effet, le nom « L'Aune » se réfère à la mesure ancienne, qui concernait le tissu. L'Aune est à la fois une compagnie et un ensemble. La Compagnie de l'Aune se consacre au spectacle, impliquant une mise en scène et une transdisciplinarité. Elle a porté à ce jour trois spectacles marionnettiques (je suis également marionnettiste) et deux spectacles dansés.

Cette compagnie est codirigée par Akiko Veaux, danseuse et comédienne à l'univers poétique et enchanteur. L'ensemble « L'Aune » se consacre uniquement au concert, et s’associe à divers partenaires comme ici avec cet impressionnant percussionniste qu'est Sylvain Fabre.

Dans les deux cas, ce qui me guide, c’est le rapport au passé : l'aune était un terme à usage concret qui est devenu aujourd'hui à usage abstrait. Lorsqu’Akiko m'a proposé ce terme pour nous définir, j'ai progressivement compris sa justesse : il s'agit pour nous de donner corps et vie à ce qui nous vient du passé. C'est même donner vie à notre art avec le passé, et pour cela, il faut sortir les répertoires d'une forme d'abstraction née de la distance temporelle. Et en même temps, il faut garder la mesure, c'est à dire le lien avec ces répertoires : ne pas les donner à entendre comme des objets exotiques incompréhensibles.

Notre projet est donc chaque fois de s'occuper de ce qu'est ce passé aujourd'hui : cette rencontre est une exploration, et seul l'inconnu que représente cette rencontre mérite de cheminer vers ce passé.

Vous évoquiez tout à l’heure une formation instrumentale originale. Je relève en effet la présence d’une vielle à roue et d’une cornemuse parmi les instruments… pouvez-vous nous les présenter ? Et trouvent-ils facilement leur place avec les instruments plus « nobles » que nous avons l’habitude d’entendre dans les ensembles baroques ?

Sache tout d’abord que la vielle à roue et la cornemuse sont tous deux des instruments à bourdon : une note ou plusieurs sont tenues en permanence et on y juxtapose une mélodie. Sur la cornemuse, c'est le chalumeau qui permet de jouer la mélodie, tandis que le bourdon remplit sa fonction.

La distinction noble / populaire n'a pas toujours été la même qu'aujourd'hui. En réalité, qu'un instrument soit considéré comme noble n'apparaît probablement qu'au 16ème siècle, et très progressivement à travers la référence à l'Antique, à la harpe de David, à la lyre d'Orphée (qu'on remplace par le luth) ou représentant Sainte-Cécile jouant d'un clavier. Ce qui est vraiment noble avant l'émergence d'un vaste répertoire instrumental, c'est la voix.

Dans le temps où certains instruments gagnent progressivement leurs lettres de noblesse, la cornemuse, la vielle à roue ou le psaltérion, autrefois égaux aux autres instruments (comme l’atteste la riche iconographie médiévale), sont de plus en plus écartés de la Cour. Cependant, ils ne sont pas pour autant effacés. Ils demeurent une référence fréquente et l'on peut par exemple jouer au luth ou à la guitare des pièces « en mode de cornemuse ».

Compte tenu du fait que seules les musiques écrites nous sont parvenues, alors que la transmission orale était en ce temps majoritaire (ne serait-ce que pour des raisons économiques), nous proposons cette formation instrumentale originale comme une « oralité imaginaire ». C'est avec nos oreilles que nous explorons les combinaisons instrumentales, et c'est parce que les résultats nous enchantent que nous avons décidé de proposer ce programme. Il y a là un festival de timbres et des énergies très contrastées que nous aimons à faire entendre. Et avec François Lazarevitch à la cornemuse et Laurent Tixier à la vielle, nous avons deux experts dont l'inventivité permet les associations de timbres les plus subtiles.

Et ces instruments, sont-ils restés cantonnés à la Musique populaire que vous allez interpréter ou existe-t-il une littérature musicale plus « savante » qui leur est dédiée ?

En fait, après la période médiévale qui offre pendant assez longtemps une bonne place à ces instruments parmi les couches élevées de la société, ceux-ci reviennent progressivement sur le devant de la scène à la faveur des Brunettes et de l'élan très présent dès le début 17ème siècle vers la naïveté prêtée aux bergers et bergères (en lien avec la nostalgie d'une supposée Arcadie). Mais ce n'est véritablement qu'au 18ème siècle que sont composées des œuvres spécifiquement pour vielle à roue ou cornemuse (plus précisément la « musette » : chez Boismortier, Corette, Chédeville...).

On peut estimer que l'avènement de la monarchie absolue, avec son centralisme étatique, a bien éloigné la Cour de certaines pratiques musicales présentes hors de ce cercle quelque peu fermé : dès lors, elles sont réintroduites avec une forme de traduction adaptée aux goûts des nobles. Cependant, l'instrumentation précise n'est elle-même apparue que progressivement : au 16ème siècle, la composition ne prescrit pas les instruments nécessaires, et c'est à chaque instrumentiste de savoir comment s'approprier une partition, lorsque c'est possible pour ledit instrument bien sûr !

Mais comment nous sont parvenues ces musiques populaires ? Étaient-elles déjà écrites en leur temps sous forme de partitions ou se transmettaient-elles sous une autre forme ?

Le terme « musique populaire » n'est pas facile à adapter à ces époques. Ce qui nous est parvenu provient toujours de la partie la plus riche de la société, en lien avec les puissants. Que les puissants nous communiquent des éléments issues de parties plus pauvres, n'ayant pas accès aux médias de ce temps (l'imprimerie en particulier) est très probable, mais ceux-ci nous sont transmis traduits, transformés...

Miguel, quelle « pulsation » intérieure vous pousse à sortir ces musique de leur oubli et à les offrir à nos oreilles contemporaines ?

On est vite tenté de voir dans ces musiques des musiques « vieilles ». De là découle l'idée qu'elles sont lentes, imprécises dans leurs pas, voûtées, bref, toutes les évolutions lentes que l'on peut prêter à la vieillesse. On oublie qu'à ces époques il était possible aussi d'être jeune ! Thoinot Arbeau, à la fin du 16ème siècle, s'offusque de l'attitude des jeunes dansant l'allemande.

Mais ce n'est pas le plaisir de redonner jeunesse, vie même, à ces musiques qui m’anime le plus, c'est le fait qu'il s'agit d'une vie à la fois éloignée de nous, et à la fois proche de nous. Nous reconnaissons quelque-chose dans ces rythmes, dans ces couleurs, dans les conventions comme dans les bizarreries, mais elles sont pourtant d'un autre temps. Elles nous transforment en nous révélant quelque-chose d'autre, si près et pourtant tout autre.

Et qu’en est-il de la survivance de ce besoin de bouger ensemble au son d’un instrument, est-ce un patrimoine disparu, ce besoin nous a-t-il quitté au fil des générations…

En réalité, ces danses ne se sont jamais totalement arrêtées, du moins dans leur principe. Il y a toujours eu depuis ces temps anciens, dans quelques endroits de France, des communautés pour lesquelles il est resté naturel de former un cercle en se tenant la main et de faire des pas vers la gauche et vers la droite pour le plaisir d'un mouvement collectif, d'une énergie partagée. Même la seconde Guerre Mondiale n'a pas réussi à faire disparaître ce désir.

Ce qui est ancien, ce sont des caractéristiques de styles, qui sont en lien avec les musiques jouées, mais le plaisir de ces mouvements devient rapidement une nécessité pour qui veut bien les rencontrer. Il y a là à découvrir des moments de partage qui, pour le dire simplement, font du bien.

Eh bien je mets ma main au feu que le public du festival, au terme de votre concert, éprouvera la nécessité de ressentir ensemble, main dans la main, une pulsation commune. Nous comptons sur vous et vos compagnons-instruments pour nous entraîner dans ce mouvement collectif et nous faire vivre le temps de quelques pas de danses ces moments de partage qui « font du bien » et dont nous avons tant besoin !

 

Propos recueillis par Michel Fielbal

Mars 2019